- Photos : par Moi
- Lieu : Musée d’Orsay -Paris
Cher musée d’Orsay, Ceci est une déclaration d’amour. C’est une récurrence, celle depuis plus de 12 ans, à venir régulièrement te rendre visite, vieille dame de fer que tu es. Anciennement gare, tu accueilles toujours tes visiteurs.ses venu.e.s déambuler sous cette horloge imposante un brin rococo qui contraste avec tes lignes intérieures épurées. Tu es le souvenir lointain, celui de s’amuser à poser à côté des statues avec mes amies. Tu as été le théâtre de retrouvailles inattendues avec une vieille connaissance. Je compte sur toi lorsqu’il est question de me perdre dans tes allées et de penser que je suis dans le célèbre roman de Jane Austen : Orgueils et préjugés. C’est te redécouvrir audacieuse, il y a quelques années, fardée de couleurs : des rouges grenat, des bleus profond qui rehaussent les chefs d’œuvre en ton sein. Tu es ma Tour Eiffel à moi. Rassurante dans ce paysage changeant, Surprenante et parfois impertinente. J’en connais peu sur ton histoire, et en même temps, moi qui aiment les gares, tu me donnes l’impression de voyager, de te redécouvrir à chaque fois. Comme une grand-mère qui aurait tant vécu, tu me déroules le fil au fur et à mesure de mes visites. Il ne reste plus qu’à t’observer, t’écouter, et te ressentir.
En visite au Musée
Observer et faire dialOguer
Ma visite s’est déroulée début août, dans la quiétude de Paris vidée de son tumulte. Ce fut un nouveau prétexte pour tester mon nouvel appareil photo et armée de mes crayons ce fut un moyen de cultiver la joie de venir crayonner quelques statues dans un carnet. La jOie de (re)-découvrir des peintures, des expositions, s’inspirer, déambuler, cultiver le beau, le tortueux … Ces moments m’avaient manqués.
Dans les musées et expositions, j’adore « chasser les mains » dans les œuvres. Par exemple, dans la plupart des peintures, c’est à mon sens une des seules manifestations d’une émotion qui transpire à côté d’un visage plus lisse, et classique. Le langage des mains et un peu comme un langage de fleurs ?! En tout cas c’est une forme d’expression à part entière. #thesecrethand society … Obsessionnelle, toquée ?! Oui bonjour !
Je suis restée environ 6 h dans ce musée, telle une droguée qui a besoin de son shot de culture, de Beau, d’extravagant, #dramaqueen. Et puis là, à parcourir ces salles, à observer, contourner, mon oeil a été attiré. « Tiens la robe de cette personne est de la même couleur que le personnage central de cette peinture. Le lien qui se crée. La similitudes des textiles et l’intemporalité qui s’en dégage. Alors tel un jeu de piste, j’ai parcouru les salles en observant le dialogue muet qui s’opérait entre la/les personnes qui observai.en.t ces œuvres. Des instants fugaces. Parfois les couleurs des vêtements, les postures, une ressemblance dans l’attitude, les regards, tout était intéressant et amusant. Les œuvres dialoguent entre elles, mais surtout avec nous, les curieux.ses qui viennent les voir. En même temps que serait un musée sans individus pour observer, critiquer, s’inspirer des arts.
Alors, qui observe qui ? Tel un roman photo, à vous d’imaginer les dialogues 😉
Après ce petit détour par les collections permanentes du musée, je vous emmène découvrir un bout de l’exposition sur James Tissot ! Essayez de profitez des derniers jours de l’exposition : c’est maintenant ou jamais 😀 (elle finit le 13 septembre 2020). Autrement, vous pouvez visionner la vidéo de l’accrochage de l’exposition, par Loïc Prigent #ledieuimpertinentdelamode , à voir en fin d’article 😉 . Je vous invite aussi à regarder les stories TISSOT à la une sur l’instagram de Marine Kiesel, une des commissaires de l’exposition qui rend cette exposition et ce peintre très accessible. Ces stories recèlent d’informations, d’enquêtes menées, d’archives ( #Joiedesvieuxpapiers), le tout avec humour ! Trêve de bavardages, voici un petit condensé de James et de ses œuvres, de ses peintures flamboyantes, pour voir le reste et surtout ce que l’on ne voit pas dans l’exposition : allez voir les stories de Marine 😉 .
Déambulation dans l'expOsition
" James Tissot, l'ambigu moderne "
Jacques Joseph Tissot ou de son petit nom « James » Tissot naît à Nantes en 1836, où ses parents tiennent un magasin de textiles et de nouveautés. Ces détails ont une importance tant cela se traduit dans le rendu des vêtements et les multiples scènes maritimes servant de décor à ces peintures. Fanfreluches, voiles de bateaux, à James, c’est son dada. A l’âge de 20 ans, il s’installe à Paris et s’inscrit à l’école des Beaux-arts. S’ensuivent des voyages dans les Flandres, où il fut élève, il poursuit en Allemagne et en Suisse sur les traces des maîtres allemands du moyen-âge et de la Renaissance. Il visite aussi l’Italie du nord. Toute la première partie de l’exposition montre cette partie-là. Ce n’est malheureusement pas avec ces tableaux que les critiques d’art lui reconnaissent un style. On le considère comme un pasticheur, un plagiaire. Tissot n’a pas trop la cote.
Pour renverser la vapeur, il décide de se positionner en portraitiste. Ces portraits restent toutefois modernes car peu classiques dans leurs compositions. Pour vivre de son art, les commandes de portrait restaient un moyen financier important. Au fur et à mesure il développe son réseau. Artiste, mais aussi marchand. Il a lui même photographié ses peintures et les a regroupé en catalogue, il tenait aussi ces carnets de commandes (allez voir les stories de Marine !) . Être artiste c’est bien, mais être reconnu et en vivre confortablement, c’est mieux !
En 1866, l’artiste peintre reçoit une médaille au Salon. Son succès est grandissant. Il fait bâtir un hôtel privé à Paris, avenue de l’impératrice (avenue Foch). Money baby B)
Petit apparté : "Le Salon" était le salon de la peinture et de la sculpture à Paris depuis la fin du XVIIe. Cette manifestation artistique était le lieu d'exposition des artistes agréés originellement par l'Académie royale de peinture et de sculpture créée par Mazarin, puis par l'Académie des beaux-arts, et ce, jusqu'en 1880.
(Merci Wikipédia -Mes cours d'histoire de l'art sont loin ...)
La situation politique de la France devient instable : Napoléon III décide de se faire une petite guerre contre la Prusse. Tissot s’engage dans la Défense Nationale, il continue de dessiner mais cette fois ses sujets sont des ambulanciers, des soldats qu’il croise. Il reste à Paris pendant la Commune jusqu’à l’été 1871, qu’il quitte pour Londres. Son style de portrait trouve un certains succès de ce côté de la manche, les anglais sont dans une période Préraphélite. De son côté Tissot élude les points importants présents dans ce style dont il s’inspire.
A savoir, dans le préraphaélisme, il est nécessaire d’avoir une narration lisible, mais aussi une morale parce que visiblement les mœurs de l’époque « c’est plus ce que c’étaient ». – Qui dit morale, dit très limite-limite en terme d’égalité homme/femme surtout à cette époque. – Dans ce mouvement, la femme est tantôt ange salvateur, tantôt dangereuse (aka la madone ou la putain). Une femme symbole plus qu’une personne. Voilà voilà !
Pour en revenir à notre cher James, justement, la plupart de ses tableaux n’ont pas de narration précise ou ne sont pas moralisateurs. Et pour autant, le succès est bien là ! Malheureusement cela déclinera au bout d’une décennie. Pendant cette période faste, il acquiert une propriété dans un quartier de Londres, où il installe son atelier et une serre. Dans ses peintures , on retrouve souvent sa maison qui lui sert de décor. C’était un féru d’art japonais, il n’y a jamais voyagé, mais côtoyait notamment le prince japonais Tokugawa Akitake, car il était son professeur de dessin. Dans cette exposition, on découvre cette passion des arts asiatiques part le biais du très beau tableau de « la japonaise au bain » mais aussi par toutes les « japonaiseries et chinoiseries » présentes dans les décor de ces tableaux. Il travailla aussi l’émail cloisonné.
Sa Muse
En 1876, il rencontre Kathleen Newton. Il a 41 ans, elle en a 23. Divorcée avec 2 enfants, elle emménage chez lui et devient sa muse. Elle décédera de la tuberculose en 1882. Elle est le personnage centrale de plusieurs de ses œuvres, tantôt espiègle, tantôt maladive. Quelques jours après son décès, Tissot rentre à Paris.
Devant les tableaux de ce peintre, on se laisse, souvent, à imaginer la vie de ses modèles. Ses portraits ne sont pas si classiques. La plupart suggère une narration, mais l’on ne sait jamais le sens exact. Il dissémine des indices parfois. Aux spectateurs, il leur laisse finalement le pouvoir de compléter ou de créer l’histoire. Ses peintures m’ont font l’effet de scènes de film, l’image n’est pas trop figée, des éléments sont en mouvement, des regards se croisent, une jupe se soulève. Une image avant la suite du film.
James Tissot s’incluait parfois dans ces peintures. C’est le cas pour celle-ci, parmi la foule ! Cherchez un moustachu brun auquel on ne voit pratiquement que la tête !
En 1885, Tissot présente les quinze tableaux de son cycle la Parisienne à la galerie Sedelmeyer. L’exposition est critiquée, le projet échoue. Et dire qu’à l’heure actuelle « La parisienne » est un style qui est très vendeur…
Dieu lui a donné la Foi
La même année que ce cycle de peintures, Tissot dit avoir vu, lors d’une session de spiritisme, sa bien-aimée Kathleen. A la fin de l’année, il a une vision de Jésus-Chrit dans l’église St Sulpice. James Tissot est un artiste, mais c’est aussi un chrétien. Cette vision sera peut-être à l’origine de son projet d’illustrer la Bible. Cette foi sera visible dans ses œuvres jusqu’à sa fin de vie.
En 1886, il a alors 50 ans, lorsqu’il entreprend son premier voyage au Proche-Orient afin de « reconstituer toute la vie du Christ et d’en connaître le véritable cadre. ». Il y retournera en 1889 et 1896. Il constituera et illustrera « La vie de notre seigneur Jésus Christ » un livre en deux volumes « Best seller mondial ». Il se rendra en Amérique 2 ans plus tard, pour présenter ses aquarelles bibliques. Beaucoup de cinéaste s’inspirèrent de ces tableaux autant ceux de la période victorienne, que ceux sur la vie de Jésus.
En résumé
Ce que j’ai le plus apprécié dans cette exposition :
- Le goût de Tissot pour les jeux de mains (positions, gants…) les couleurs flamboyantes
- Le raffinement des détails : les textiles, surtout dans la période des portraits
- La scénographie de l’exposition
- Les interventions des commissaires de l’exposition Paul Perrin et Marine Kisiel dans l’audioguide, et la richesse et la modernité de leurs stories Instagram
Je vous laisse avec la vidéo de Loïc Prigent (qui a toujours un œil amusé sur la mode). Et n’oubliez-pas c’est jusqu’au dimanche 13 Septembre !